LE MAROC EN FEU : LA JEUNESSE CONTRE LE MAKHZEN

Un soulèvement né de la colère

Depuis plusieurs mois, le Maroc est secoué par un mouvement inédit : GenZ212, symbole d’une jeunesse épuisée par la précarité et l’injustice. Des milliers de jeunes sont descendus dans les rues de Rabat, Casablanca, Tanger, Oujda ou Agadir.
Ils dénoncent un système verrouillé, inégalitaire et corrompu. Les slogans réclament dignité, emploi et justice sociale. Mais aussi une rupture avec soixante ans de pouvoir autoritaire, transmis de père en fils, où le peuple reste sans voix.

La contestation a explosé après plusieurs drames sociaux et révélations sur la gestion des fonds publics. Elle s’est nourrie, par ailleurs, d’un profond sentiment de trahison politique.
La normalisation avec Israël, dans un contexte de génocide en Palestine, a marqué une ligne rouge morale. Une grande partie de la jeunesse marocaine, solidaire du peuple palestinien, y a vu une trahison nationale. Ainsi, pour beaucoup, ce rapprochement symbolise la rupture définitive entre le régime et sa population.

Une société fracturée et sans protection

Les jeunes dénoncent une réalité que chacun vit chaque jour : inégalités massives, pauvreté endémique et services publics en ruine.Le Maroc figure désormais parmi les pays les plus inégalitaires d’Afrique. Les salaires stagnent, le pouvoir d’achat s’effondre, et les hôpitaux manquent de tout. En outre, le gouvernement refuse de subventionner les produits alimentaires de base ou le logement social. Par choix idéologique, il rejette toute politique de redistribution ambitieuse.

Au lieu d’une politique sociale, le pays a misé sur l’ouverture économique et le tourisme de masse. Les investissements étrangers, venus surtout de France et d’Espagne, soutiennent une croissance inégale. Cependant, ce modèle tourné vers l’extérieur laisse de côté une large partie de la population. Pendant ce temps, plus de 10 % du PIB serait absorbé par les dépenses militaires, environ 13 milliards de dollars. Ces choix creusent les fractures et privent la population des services essentiels.

Au sommet de l’État, la concentration des richesses alimente la colère populaire. Le roi Mohammed VI est aujourd’hui considéré comme l’un des monarques les plus riches du monde, avec une fortune estimée à plusieurs milliards de dollars, issue notamment du groupe royal Al Mada (ex-SNI), présent dans la banque, l’immobilier, l’agroalimentaire et les télécommunications. Autour du Palais, une élite économique restreinte s’est constituée, profitant d’un système opaque mêlant affaires et pouvoir politique.


Par ailleurs, le Premier ministre Aziz Akhannouch, également milliardaire et patron du groupe Akwa, incarne cette fusion entre politique et grands intérêts privés. Sa fortune, bâtie sur les hydrocarbures et la distribution, suscite de vives critiques. Beaucoup de Marocains voient en lui le symbole d’une élite coupée des réalités sociales, continuant de s’enrichir pendant que la population s’appauvrit. Cette perception renforce le sentiment d’injustice et alimente la défiance envers un pouvoir perçu comme indifférent aux souffrances du peuple.

Répression et crise politique

La réponse du régime a été brutale. Les forces loyales au Palais ont été massivement déployées.
Des témoins rapportent tirs à balles réelles, arrestations arbitraires et disparitions inquiétantes.
Des vidéos circulent sur les réseaux sociaux, montrant le vrai visage du Makhzen : un appareil répressif prêt à tout.

Néanmoins, le pouvoir nie toute responsabilité et parle d’« émeutes manipulées ».
Des observateurs, eux, comparent ces méthodes à celles déjà utilisées depuis 1975 au Sahara occidental. On évoque démolitions de maisons, violences ciblées et répression contre des civils.

La répression du mouvement GenZ212 a fait de nombreuses victimes. Plusieurs morts ont été confirmés par les autorités elles-mêmes, un fait rare dans l’histoire récente du pays. Selon des témoins et des vidéos largement diffusées en ligne, des manifestants ont été abattus par balles lors d’affrontements avec les forces de l’ordre. D’autres images montrent des véhicules officiels fonçant dans la foule, provoquant des morts et de nombreux blessés. Malgré les démentis partiels du gouvernement, les organisations de défense des droits humains réclament une enquête indépendante pour établir les responsabilités et garantir la vérité sur ces violences.

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